samedi 20 octobre 2007

Mon idole


je me suis souvent demandée si cet homme existait vraiment...

j'aimerais avoir cette force de caractère, cette droiture et cette capacité à combattre, sans peur du regard des autres, des menaces ou... de moi-même...

http://www.liberation.fr/transversales/portraits/208126.FR.php

Baltasar Garzón en 7 dates : 26 octobre 1955 Naissance à Torres (Andalousie). 1980 Devient magistrat. 1988 Nommé à l'Audience nationale à Madrid. 1998 Fait arrêter Pinochet à Londres. 1993-1994 Secrétaire d'Etat dans le gouvernement Felipe González. 2003 Inculpe Ben Laden. 2005-2006 Donne des cours et travaille à une plateforme antiterroriste à New York.

Baltasar Garzón, 50 ans. Après avoir poursuivi Pinochet, le magistrat espagnol s'est fixé pour mission la lutte antiterroriste. Et peaufine son personnage de justicier des temps modernes.

Personne ne l'arrête - Par Arnaud VAULERIN

On lui avait promis une pluie d'oeufs et d'insultes. Il est reparti avec une médaille du Sénat, le titre de docteur honoris causa de l'université de Santiago et le souvenir de rencontres «bouleversantes» avec des proches de victimes et de disparus. Sans prêter attention aux vociférations d'un quarteron de pinochetistes et aux menaces avortées d'une sénatrice de droite. Dans la carrière de Baltasar Garzón, le Chili demeure la référence constante, l'évocation permanente. Le juge espagnol y est allé pour la première fois, il y a un mois. «C'était très intense.» Pour ne pas dire passionnel, comme c'est le cas depuis 1998, l'année du grand chambardement. Le 16 octobre, le juge signe un mandat d'arrêt international à l'encontre d'Augusto Pinochet, poursuivi pour génocide, torture et terrorisme. Le dictateur Chilien vient de subir une intervention chirurgicale à Londres. Le soir même, il est arrêté sur ordre d'un «communiste de merde», éructe Pinochet. «Ma vie a alors changé. J'ai récolté plus de problèmes que de bénéfices, confie Garzón aujourd'hui. Le cordon de sécurité limité à l'Espagne s'est alors élargi d'une manière vertigineuse.» William Bourdon, avocat spécialiste des droits de l'homme analyse le «séisme incroyable : ce jour-là, le juge ébranle la conviction de ces chefs d'Etats qui s'estiment immunisés contre toute poursuite».


503 jours plus tard et autant d'arrangements au nom de la sacro-sainte raison d'Etat, le caudillo retournera chez lui. Libre mais incriminé. Garzón a depuis ravalé sa «rage» et ses «larmes», convaincu d'avoir «gagné juridiquement». Mais la «frustration pour les victimes» perdure : «Il faut maintenant et vite qu'une sentence soit prononcée. La justice doit dire s'il est oui ou non coupable des faits établis.» Tant pis si l'inculpation hasardeuse de génocide prête le flanc aux critiques.
Le juge ne lâchera pas prise. Ne se taira pas. Ne rangera pas le dossier Pinochet dans l'armoire des renoncements. Cette attitude, «ce n'est pas Garzón», dit-il d'un coup de menton. Le magistrat de 50 ans, à la carrière météorique, appartient à cette caste de juges apparus entre la chute du mur de Berlin et l'effondrement des tours jumelles. Dans cet espace de temps où la justice internationale dictait ses lois et s'affirmait face à des Etats encore prisonniers des oripeaux de la guerre froide. Contre les pots-de-vin, les crimes contre l'humanité, les trafics de drogue, Louise Arbour, Carla Del Ponte, Renaud Van Ruymbeke, Eva Joly, Antonio Di Pietro, émergent au début des années 90. Ils ont la parole rare mais la formule choc, goûtent aux actions coups de poing et aux appels citoyens ­ notamment celui de Genève contre la corruption lancé il y a juste dix ans ­, bousculent élus et protocoles, frontières et tribunaux. Ils bénéficient du soutien d'une opinion publique d'autant plus fervente que des martyrs sont tombés au champ d'honneur : les Italiens Falcone et Borsellino, fauchés par la mafia en 1992. Politiques et médiatiques, on les voit aux journaux télévisés et à la une des magazines dès lors que cela sert la cause.
La mèche poivre et sel impeccablement lissée en arrière et les fines lunettes fixent l'image d'un Baltasar Garzón sérieux et solitaire. Le costume sombre liseré de gris camoufle l'embonpoint et complète le portrait d'un Eliot Ness andalou. Sans gommer l'ego du mégalo : «Super Garzón», comme il est surnommé, n'hésite pas à se camper en Don Quichotte luttant pour «les sociétés menacées». «Il n'est pas insensible à sa propre trajectoire, c'est évident, constate Jean-Louis Bruguière, le juge antiterroriste français. Ça vient aussi du fait qu'il porte haut une certaine conception de la justice et de sa fonction.»
Il y a du moine-soldat chez Garzón. Ce magistrat, passé par le séminaire entre 11 et 17 ans, est un austère qui bosse. Vite et plutôt bien. Sorti de la faculté de droit avec les félicitations du jury, il a démarré sa carrière de magistrat en 1980. Huit ans après, le fils d'agriculteurs jadis «enfant agité» est nommé juge à l'Audience nationale, la plus haute juridiction pénale espagnole. Il a 33 ans et se promet d'y «rester jusqu'à la fin des procès contre ETA». Dix-huit ans plus tard, menacé de mort mais entouré de gardes du corps, le juge est toujours rivé à ses dossiers. Et sur tous les coups. Le démantèlement d'ETA et son étranglement progressif ; l'incarcération d'un ministre de l'Intérieur socialiste et de son bras droit responsables d'avoir diligenté dans les années 80 les basses oeuvres des Groupes antiterroristes de libération contre les séparatistes basques ; la traque aux tortionnaires latino-américains ; le harcèlement des mafias de la drogue pas toujours couronné de succès.
On a créé le mot de «Garzonada» pour évoquer les ratés et les précipitations du juge. La presse a raillé son orgueil, «certainement aussi grand que son culot», selon un juriste. «Il a suscité beaucoup, beaucoup de jalousie, souligne un avocat. Sa visibilité planétaire, son succès, l'ont conforté dans l'idée qu'il pouvait s'arroger des affaires.»
Il n'empêche. Depuis 2001, Garzón «le tenace» s'est déplacé sur le terrain du terrorisme international, arrêtant des supposés islamistes en Espagne, inculpant Ben Laden avant tout le monde, en septembre 2003. «Il a été très réactif sur le dossier Al-Qaeda. Pourtant, jusqu'alors, le terrorisme islamiste ce n'était pas sa tasse de thé», expertise Jean-Louis Bruguière. William Bourdon dépeint Garzón comme un «croisé qui voit plus vite et plus loin que les autres».
«C'est un grand obsessionnel, un drogué du travail entouré d'un staff énorme», juge un avocat. Couché à 2 h 45 du matin, réveillé trois heures plus tard, Garzón aligne des journées de douze heures. Les parties de foot où il gardait les buts ­ lui l'éternel attaquant ­ sont devenues rarissimes. «Travailler me relaxe dès lors que je mélange les activités», précise-t-il, malgré tout «frustré» d'accorder si peu de temps à sa famille : «Je me demande parfois pourquoi ma femme reste avec moi.» Peut-être se souvient-elle encore d'une sérénade chantée par un certain Baltasar qui sera expulsé du séminaire pour cette audace amoureuse. Leurs trois enfants ont pour habitude le matin de lire des lettres que leur père a écrit la nuit (1) au sujet de la famille, de lectures (des livres d'histoire plus que des romans), des films (il aime Almodóvar et vient d'acheter Zorba le Grec en DVD), des affaires du monde et de son travail.
Avec fougue et candeur, il y assène des préceptes moralisateurs, des souvenirs et des points de vue. «Le juge est un citoyen, j'ai le droit moi aussi à la liberté d'expression.» Du reste, il ne s'en est jamais privé. En 2003, il avait harponné le Premier ministre Aznar sur la guerre en Irak et harangué les foules madrilènes lors d'un défilé antiguerre. Impensable en France. Aujourd'hui, il fustige le «fondamentalisme dangereux» de Bush, s'emporte contre le «vide politique, intellectuel et moral», ainsi que l' «endormissement» des démocraties. Il parle de «conscience citoyenne», d' «éducation aux valeurs» et de «rêve régénérateur» pour les partis politiques. On croirait lire du Ségolène Royal. Il se dit «intéressé par l'affirmation d'un nouveau socialisme en France, porteur d'une vision peut-être plus ouverte et plus proche de ce que demande la société». Comme il adresse un beau satisfecit à l'Espagne de Zapatero. Lui pourtant qui , «naïf» pendant onze mois dans les rangs d'un parti socialiste en plein affairisme, a servi de «marionnette» à un Felipe González à bout de souffle en 1994. On ne l'y reprendra plus. Après quinze mois passés à l'université de New York, mais «sans rien voir» de la ville, il est rentré à Madrid en juin. A rouvert le dossier ETA et a relancé l'enquête sur Berlusconi. Garzón le boulimique est de retour.


Aucun commentaire: